Programme du séminaire 2016-2018

L’Aveu filmé
Ateliers annuels du groupe de recherche « Théâtres de la mémoire »


Co-direction 
Christa BLÜMLINGER (ESTCA/Paris 8)
Michèle LAGNY (IRCAV/Paris 3)
Sylvie LINDEPERG (CERHEC/Paris 1)
Sylvie ROLLET (IRCAV/Poitiers)
Marguerite VAPPEREAU (CLARE/Bordeaux Montaigne)

Créé en 2003, le groupe de recherches Théâtres de la mémoire réunit des chercheurs en études cinématographiques de quatre universités (Paris 1, Paris 3, Paris 7, Paris 8) en proposant une approche pluridisciplinaire des images en mouvement. Considérant le dispositif d’enregistrement et de projection du cinéma comme un « théâtre » de la mémoire, le travail de l’équipe vise à définir historiquement et théoriquement les rapports qu’entretiennent images reproductibles et histoire, technologie et archive, fiction et documentaire, écriture de soi et écriture de l'histoire.

1.       L’aveu filmé : perspective

Dans le prolongement des motifs abordés au cours des années antérieures et à la confluence des recherches menées sur le témoignage filmé et l’usage des archives audiovisuelles, la question de l’aveu filmé apparaît offrir une perspective essentielle sur la puissance propre à l’enregistrement filmique.

Alors même que dans la littérature française (de la dramaturgie amoureuse de la Préciosité à La Princesse de Clèves) comme au théâtre (et, au premier chef, chez Marivaux) les mises en scène de l’aveu abondent, il est symptomatique que l’un des premiers théoriciens du cinéma, Béla Balázs, fasse précisément du « processus organique » de l’aveu, que le film rend enfin visible, la pierre de touche de cet art alors nouveau.
Cette singulière congruence tient à ce que l’aveu n’est que processus, déplacement et puissance de transformation, pure « dynamis ». Cette dynamique est d’abord celle qui porte le sujet vers autrui : « advocare », c’est appeler auprès de soi, convoquer. Avouer, c’est donc en appeler à l’autre, comme si le « soi » ne pouvait se conforter que dans cette invocation qui est aussi une sortie hors de soi, hors de l’intime. Avouer c’est s’exposer et s’allier (dans le droit féodal, l’aveu est reconnaissance d’un lien de vassalité).
L’aveu est donc transgression, franchissement de la frontière qui sépare l’intime et le secret du grand jour, advenir public de ce qui était dérobé aux regards. Cette relation à autrui fait vaciller l’opposition banale de la vérité et du mensonge. En effet, elle voit s’affronter des temporalités hétérogènes : les faits et la responsabilité éventuelle du personnage relèvent du passé. La relation, elle, est au présent, mais grosse d’un avenir diversement anticipé.
Mais si tout aveu énonce et montre ce qui était jusqu’alors imperceptible ou inconnu d’autrui, il y a loin du geste intentionnel à l’aveu involontaire. Le premier, cathartique ou émancipateur, est l’acte d’un sujet et le constitue comme tel : dans la revendication de ses actes ou la reconnaissance de ses sentiments. L’aveu involontaire, indice ou symptôme d’une « autre scène », est marqué, lui, par la remise en question, voire l’absence même du sujet. La puissance déclenchant l’aveu réside alors ailleurs : dans l’inconscient freudien ou dans les mains du pouvoir, judiciaire, policier, voire tortionnaire.


2.       Programme des précédents ateliers (2016 et 2017)

Les ateliers annuels, réservés à une vingtaine de participants inscrits, ont lieu en automne et s’étendent sur trois demi-journées consécutives.

Le premier atelier de réflexion, les 4 et 5 novembre 2016, a été consacré à la « dramaturgie » de l’aveu filmé dans le cadre policier et judiciaire. Nous y avons évoqué notamment :
-          L’aveu dans le film Moi Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère (1975) de René Allio, des documents à la mise en scène tragique, présenté par Marguerite Vappereau (université Bordeaux-Montaigne) ;
-          les procès soviétiques contre les nazis et les collaborateurs à Kharkov ou Krasnodar, étudiés par Vanessa Voisin (université Paris 1) ;
-          la question des aveux extorqués sous la torture à travers le film de Kathryn BigelowZero Dark Thirty, abordée par Dork Zabunyan.

Le second atelier, les 25 et 26 octobre 2017, a permis d’approfondir deux questions relevant spécifiquement de l’enregistrement ou de la mise en scène cinématographiques de l’aveu :
-          dans le cadre du dispositif documentaire d’ « inquisition » mis en place par Errol Morris et Barbet Schroeder, où la mise en scène de soi par le personnage vient contrecarrer les attentes du cinéaste et du spectateur, deux aspects développés parallèlement par Matthias Steinle (université Paris 3) et Sylvie Rollet (université de Poitiers) ;
-          dans le cadre de fictions (ou de documentaires) où l’aveu filmé peut être analysé à partir de la notion freudienne de « scène analytique », le sujet attendant de sa confession un effet bénéfique. Ces questions ont fait l’objet de deux interventions : celle de Frédérique Berthet (université Paris 7) et de Mathias Lavin (université Paris 8).


3.       Programme de l’atelier 2018


3.1.           Thèmes et invités 

Les discussions autour des questions traitées lors des deux précédents ateliers ont fait apparaître la nécessité de revenir sur les divers emplois du terme « aveu ». En effet, il prend un sens très différent selon qu’il s’agit du cadre judiciaire (où l’aveu et le témoignage ont un rôle distinct), de la construction historique (qui permet de repenser l’affrontement de « vérités » hétérogènes, à l’instar du livre de Carlo Ginzburg, Les Batailles nocturnes, par exemple) ou de la scène analytique.
Parce que le terme a une longue histoire, nous souhaitons consacrer ce troisième volet à diverses approches philosophiques de l’aveu et à leur éventuelle pertinence dans le champ des études cinématographiques.

Les invités seront :


-        Geneviève Fraisse (directrice de recherche émérite au CNRS), qui proposera de réfléchir à la relation entre aveu et consentement, à partir du témoignage anonyme et autobiographique d’une « Femme à Berlin » (datant de 1945).
-        Gabriel Bortzmeyer (docteur en études cinématographiques de l’université Paris 8), qui reviendra sur les figures de l’aveu et de la confession dans le théâtre et les romans de Marivaux dont font usage les films d’Abdellatif Kechiche.
-        Bertrand Ogilvie (professeur de philosophie à l’Université Paris 8), qui proposera de revenir sur la notion d’aveu au sein de la pratique analytique.
-        Ophir Levy (docteur en études cinématographiques de l’université Paris 1), qui discutera la possibilité d’une étude symptômale des films.
3.2.             Organisation 
Chaque demi-journée s’organise autour de la communication d’un-e (ou deux) chercheur-e(s) invité-e(s), à laquelle chacun-e est amené-e à réagir en fonction de ses propres préoccupations et champs de recherche.
En 2018, le séminaire se tiendra le vendredi 19 octobre à partir de 14h30 et le samedi 20 octobre de 9h30 à 18h à la Galerie Colbert, Salle du CIRHAC (Paris 1)
Les ateliers sont financés par Paris 1 (HiCSA) et Paris 8 (ESTCA).
Atelier co-dirigé par  Christa BLÜMLINGER (ESTCA/Paris 8) Michèle LAGNY (IRCAV/Paris 3) Sylvie LINDEPERG (CERHEC/Paris 1) Sylvie ROLLET (IRCAV/Poitiers) et Marguerite VAPPEREAU (CLARE/Bordeaux Montaigne).